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En mon fort intérieur
10 janvier 2008

Le space cake

    Le moins qu'on puisse dire c'est que je regrette.
Mon amoureux avait récupéré une dose à fumer pour le nouvel an, il lui en restait un peu. Je n'ai jamais fumé, ni cigarette ni autre, et n'ai jamais eu envie de commencer. Par contre j'étais curieuse de connaître les effets du THC, mais je ne voulais pas avoir la gorge explosée ni risquer d'aimer le tabac. Je lui ai demandé de me préparer un space cake. Nous l'avons mangé un soir où nous n'avions rien de prévu, devant le début d'un film.

   C'est arrivé d'un coup. La pièce qui tournait inlassablement, une chape de plomb sur la tête, et froid, comme un vent qui m'aurait effleurée. L'impression étrange que tout ce qui m'entourait était en carton, la table, le lit, l'ordinateur, comme dans ces livres pour enfants où une scène en carton découpé s'ouvre en trois dimensions quand on tourne une page. Mon amoureux souriait de me voir hallucinée.  Tout était bizarre, ça m'a amusée.
    Pas longtemps : peu après sont arrivés les réveils. Une brusque prise de conscience de ce qui m'entourait, un retour de la lucidité, qui, parce qu'il supposait que j'avais perdu conscience de la réalité, était terrifiant. Ça signifiait qu'à tout moment je pouvais replonger. Mais je n'avais pas la sensation de replonger justement, seulement celle de me réveiller, toutes les demi-secondes. Mon crâne était comme couvert de plomb, lourd et lent. Je ne comprenais rien au film alors que je sentais confusément qu'il était bête comme chou (Clerks de Kevin Smith). En fait c'est inexact, je faisais des efforts surhumains pour rester attentive au film et suivre les dialogues. Surtout ne pas se laisser submerger; allez Marquise, ça tourne mais on s'en fout, comprends, comprends, tu en es capable, tout sera revenu demain à la normale, accroche-toi. Je comprenais finalement ce que les personnages à l'écran faisaient et disaient, mais j'oubliais tout très vite et ne me souvenais plus pourquoi il fallait qu'ils fassent ceci ou cela.Epinal2
    Nous avons arrêté et essayé un épisode des Simpson. J'avais l'impression que les couleurs étaient fades, pas naturelles, comme un vieux dessin old school ou une image d'Epinal. Je n'étais plus sûre de rien.Parfois, dans un brusque sursaut de réalité, je me rendais compte que j'avais déjà vu cet épisode, mais j'étais incapable de savoir ce qui allait se passer ensuite et j'avais toujours beaucoup de mal à suivre.
    Je me sentais très mal et décidai d'aller me coucher. Il me fallut beaucoup de courage et d'attention pour aller aux toilettes et me laver les dents. Se souvenir qu'il faut mettre du dentifrice. Cracher. Tirer la chasse. Ne pas se perdre en route. Rester consciente, à tout prix. Essaye. Une fois au lit, mon amoureux, qui ne souriait plus du tout et s'inquiétait pour moi, se mit à me faire la conversation, à me montrer un jeu sur sa Nintendo DS, à solliciter mon attention pour ne pas que je perde pied. Je m'en rendais compte malgré mon état qui empirait et un élan de gratitude me submergea.
    J'avais la gorge sèche, les lèvres qui collaient aux gencives. Il m'aidait à me redresser régulièrement et à boire. J'écartais largement les jambes dans le lit pour être bien stable avant d'essayer d'avaler deux gorgées sans en mettre partout. J'étais épuisée mais j'avais peur de dormir. Même couchée, la chambre tournait sans cesse, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, toujours. Et pour garder l'équilibre je remuais, j'étais agitée de soubresauts.

    Mon amoureux me veilla jusqu'à ce que je m'endorme véritablement, après avoir somnolé par intervalles pendant plusieurs heures. Il avait laissé la lumière allumée pour que j'aie quelques repères et me maintenait solidement d'un bras ferme. J'eus envie de lui dire que ce n'était pas la peine, car je me rendais bien compte qu'il faisait ça pour me rassurer, mais je dois dire que sa présence fut salutaire. Il m'apporta de la nourriture, prévoyant que j'aurais une faim insatiable, mais je m'endormis avant. Les cauchemars que je redoutais ne vinrent pas.
    Au réveil j'étais bien mieux, j'avais recouvré l'usage normal de mes membres et je n'avais plus de pertes de consciences impromptues. Mais j'eus quand même des difficultés à réfléchir, prévoir et comprendre pendant toute la journée. Mon amoureux avait très mal au bras et était fatigué, il s'était occupé de moi alors que lui-même subissait les effets, certes moins violemment, du gâteau. Par bonheur je me souvenais de tout, je n'avais pas de trou de mémoire. Les doses étaient bien trop fortes et expliquaient ma crise d'angoisse.

    Je regrette, déjà pour la soirée horrible que j'ai passée, ensuite parce que j'ai fait l'expérience du badtrip sans avoir l'euphorie que je recherchais au départ.

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