Parmi les roseaux
J'ai fait un mauvais rêve.
Il était question que mon petit ami me trompe. C'était l'idée générale, je restais à la maison - dans un petit pavillon sombre à la campagne, que d'ailleurs je ne reconnais pas - et lui sortait, pour la nuit ou le week-end, suivant comment les choses se passeraient. Il me l'avait sans doute expliqué parce que je me trouvais, au début du rêve, à savoir ce qui était prévu sans qu'on ait besoin de me le dire. Il était question, aussi, qu'il lui offre un cadeau avec une bague dedans. Il était visiblement très à l'aise tandis que j'étais en proie à une horreur grandissante. Je voulais hurler contre le principe même de l'adultère mais cela semblait déjà trop tard puisque tout était prévu : on n'en arrive pas là en un jour et il aurait fallu que je m'y prenne plus tôt pour protester - il aurait fallu que je me réveille avant. De plus j'avais un reste de répugnance à jouer le rôle de la furie hystérique qui donne ainsi raison à celui qui la trompe avec une femme plus raisonnable.
Je me souviens avoir voulu me noyer dans l'étang aux roseaux derrière la petite maison où nous étions. L'eau était fraîche et je n'aimais pas ça, mais je voulais m'enfouir la tête sous l'eau, pour ne pas crier, pour ne pas pleurer.
Il est venu me rejoindre dans l'eau, je n'ai pas vraiment compris pourquoi vu qu'il n'avait apparemment aucune intention de me rassurer. Pas me rejoindre en fait, puisqu'il restait à cinquante centimètres de moi sans me toucher. Il avait les yeux dans le vague, comme s'il se réjouissait à l'avance de sa soirée. Il était dans une bulle légèrement fébrile qui m'excluait.
Je posai une question timide. "Si tu m'avais fait une fellation lundi, je n'aurais pas eu besoin de faire ça."
Je ne sais pas pourquoi lundi, ça faisait sens dans mon rêve. Il me dit qu'ils iraient peut-être à l'opéra en fin de soirée. C'est ce qui m'horrifia le plus.
"Tu ne veux jamais aller à l'opéra avec moi". Il répondit quelque chose de très méprisant et culpabilisant, comme "Ne fais pas l'enfant." Puis il se demanda quel opéra ce serait, il ne savait pas. L'autre femme lui téléphona juste à ce moment-là. Il eut un sourire puis se retourna vers moi avec un petit air complice pour me dire que ce serait peut-être Carmina Burana.
Son regard se perdit à nouveau. Je vis la silhouette d'une voiture se garer devant la maison. Elle était venue le chercher. Je crois qu'il lui proposa d'entrer quelques minutes, le temps qu'il se prépare, mais elle a refusé et j'ai pensé qu'elle avait plus de décence que lui.
Je me suis réveillée alors et j'ai pleuré en constatant que mon petit ami avait déjà quitté la maison pour aller travailler.